D’Uruk à Nagada, l’émergence de la Mégamachine
Introduction
Les sociétés occidentales contemporaines, marquées par une course effrénée au progrès technologique, se retrouvent souvent confrontées à un dilemme entre l’innovation, amorale, et le respect d’un comportement éthique. Cette dynamique, loin d’être nouvelle, trouve ses racines dans des mécanismes sociaux et technologiques ancestraux qui ont façonné nos modes de vie et de pensée. La tension qui en découle n’est pas sans rappeler les anciens mythes fondateurs, comme celui de Prométhée, où la technique et la maîtrise du monde étaient perçues à la fois comme une bénédiction et une menace.

Le principe de Lucifer
Dans « Le Principe de Lucifer », Howard Bloom, sociologue américain né en 1943, propose une lecture évolutionniste de ces mécanismes, soulignant que l’esprit de compétition, qui peut entraîner une violence collective, mais aussi la coopération, est inscrit au cœur des dynamiques humaines depuis la préhistoire. Selon lui, la tendance des groupes humains à s’organiser, à se hiérarchiser et à rivaliser pour l’accès aux ressources a permis la survie de l’espèce, engendrant pour ce faire les grandes structures sociales et politiques dont la mégamachine est, comme nous allons le voir, l’aboutissement moderne.
Bloom identifie cinq mécanismes structurants (conformité, diversité, jugement interne, redistribution des ressources, compétition intergroupes) qui régulent la dynamique des groupes humains. Ces mécanismes sont toujours à l’œuvre dans les sociétés modernes, par exemple dans la gestion des entreprises, la gouvernance politique ou les mouvements sociaux, où l’équilibre entre cohésion et innovation conditionne les réponses aux défis actuels.
Ces cinq mécanismes s’inscrivent dans la notion de « mégamachine », popularisée par l’historien américain Lewis Mumford, qui offre un cadre pertinent pour comprendre la nature des énigmes qui se posent à nos sociétés actuelles.
La mégamachine, une organisation sociale à travers les âges
Le concept de « mégamachine », forgé par Lewis Mumford dans « Le Mythe de la machine » (1966-1970), décrit un système socio-technique dont les individus forment les rouages interdépendants, au service d’un pouvoir sur lequel ils n’ont aucune prise. Mumford, historien des sciences et des techniques, montre que la mégamachine ne se limite pas à une machine mécanique, mais s’incarne dans des organisations sociales hiérarchisées, bureaucratiques et étatistes, capables de mobiliser d’immenses ressources humaines pour des projets monumentaux – des pyramides d’Égypte aux empires industriels modernes. C’est un système complexe au sein duquel s’interconnectent les technologies, les institutions et les structures sociales – qui, toutes ensemble, visent à améliorer l’efficacité et le bien-être -, mais qui, cependant, peuvent également entraîner une perte de contrôle du système et une aliénation des individus.
Mumford critique la déshumanisation inhérente à ces structures qui tendent à réduire l’individu à un organe interchangeable, menaçant sa liberté, et qui, parallèlement, se désintéressent de son environnement, et donc de l’équilibre écologique de la planète. Son analyse, nourrie par le contexte de l’après-Seconde Guerre mondiale, éclaire l’évolution des sociétés, des premières civilisations agricoles à l’ère de l’intelligence artificielle, et met en garde contre la domination croissante de structures impersonnelles et technocratiques. Cette idée résonne particulièrement dans nos sociétés modernes, où les avancées technologiques sont souvent dictées par des logiques de performance et de rentabilité, au détriment de valeurs humaines fondamentales telles que la liberté de chacun, l’autonomie de l’individu et le bien-être de la collectivité.
La mégamachine moderne, dans son ambition de tout rationaliser, s’érige en nouveau mythe collectif, porteur d’une symbolique ambivalente : promesse de progrès, mais aussi risque d’aliénation. Cette ambivalence rappelle la tour de Babel, symbole de l’orgueil humain et de la confusion qui guette toute œuvre collective coupée de la sagesse. Il s’agit toujours de construire sans perdre de vue le sens, la mesure et l’harmonie, sous peine de voir l’édifice s’effondrer sur lui-même.
Les fondations néolithiques (12000 B.C. – 3000 B.C.)
Transition progressive vers la sédentarisation
Pour comprendre les origines de la mégamachine, il est essentiel de remonter aux prémices des civilisations, où les premières innovations technologiques et organisationnelles ont commencé à transformer les modes de vie humains.
À la fin de la dernière glaciation, il y a environ 12000 ans B.C., des groupes humains amorcent une transition progressive vers la sédentarisation et vers la domestication des plantes et des animaux.
Ils s’installent durablement dans des écosystèmes propices à leur subsistance. Des lieux où poussent naturellement des plantes comestibles, tubercules, céréales, et où paissent des animaux qui n’ont pas besoin de migrer. Ce processus marque le passage progressif d’un mode de vie nomade de chasseurs-cueilleurs à une sédentarisation.
Cette évolution n’est pas la conséquence d’une révolution brutale, mais le fruit d’expériences multiples, souvent réversibles. Durant cette période, de nombreuses tentatives de sédentarisation ont été effectuées par différents groupes humains. Pour James Campbell Scott, anthropologue américain, ces essais ont pu, parfois, être liés à la mise en place progressive de l’agriculture et/ou de l’élevage, mais ils ne furent pas toujours linéaires ni irréversibles : certains villages ont connu des retours à un mode de vie plus mobile, tandis que d’autres ont réussi à maintenir une vie sédentaire stable pendant plusieurs centaines d’années. Ces dynamiques étaient largement dictées par les hyper-espaces écologiques – ces environnements multidimensionnels définis par l’ensemble des paramètres climatiques et écosystémiques – qui permettaient ou non aux populations de disposer de ressources alimentaires suffisantes sans déplacements prolongés. Les Natoufiens du Levant (12500 B.C. à 9500 B.C.) illustrent cette phase par leurs habitats semi-sédentaires et la consommation de céréales sauvages comme l’amidonnier. Ces groupes pratiquent alors sur de petites surfaces une proto-agriculture et un proto-élevage.
Dans les zones côtières, la sédentarité relative s’impose à ceux qui, dans l’organisation collective des villages, s’emploient à gérer l’absence prolongée des pêcheurs partis en mer.
Ailleurs, la stabilité dépend des cycles climatiques et de la fertilité des sols, comme dans le Croissant fertile ou la vallée du Nil, où la régularité des crues permet une agriculture continue. A partir de 12000 B.C., de nombreux villages alternent les périodes de stabilité avec des retours passagers à la mobilité. Cette plasticité sociale montre que la sédentarisation fut un processus graduel, dicté par l’environnement et par la capacité à organiser la production et la redistribution des ressources.
Stockage des céréales et genèse des inégalités
Un progrès technologique majeur est intervenu avec l’invention du stockage des denrées alimentaires, notamment des céréales (blé, orge, millet), innovation qui allait jouer un rôle fondamental dans l’organisation sociale et économique de ces peuples primitifs. Cette conservation des récoltes permettait d’assurer ainsi une certaine sécurité alimentaire face aux cycles agricoles et aux aléas climatiques. Mais plus encore, ces denrées stockables allaient devenir la base des premiers systèmes fiscaux. Les céréales, cultivées de manière saisonnière sur des parcelles bien délimitées, offrent en effet une prévisibilité de rendement facilitant l’évaluation des impôts prélevés en nature.
En résumé : Le stockage centralisé et la redistribution contrôlée des surplus agricoles vont assurer une certaine sécurité alimentaire face aux aléas, tout en posant les bases économiques des premiers États.
En Mésopotamie, les temples d’Uruk (vers 4000 B.C.) servaient de greniers collectifs, où l’orge prélevée était redistribuée sous forme de rations aux ouvriers et aux élites.
C’est dans ce contexte que naissent les premières inégalités économiques :
- Les surplus agricoles, captés par les élites via l’impôt, favorisent une stratification sociale entre ceux qui contrôlent les réserves (prêtres, administrateurs) et ceux qui produisent, les paysans.
- L’invention de la charrue à bœufs (3000 B.C.) accentue ces inégalités : seuls les plus riches peuvent se procurer la terre et le bétail nécessaires, augmentant leur productivité et leur richesse.
- Le stockage centralisé et la redistribution contrôlée des surplus agricoles, en exigeant un personnel spécialisé, vont ainsi poser les bases économiques des premiers États inégalitaires.
Le grenier, souvent intégré au temple, incarne alors la puissance spirituelle, tout en assurant la sécurité matérielle. L’impôt, avant d’être une contrainte économique, prend la forme d’une offrande rituelle, destinée à s’assurer la faveur des dieux et la prospérité du groupe. Ainsi, la gestion des surplus revêt une dimension symbolique forte où la conservation et le partage des biens alimentaires justifient l’existence d’une hiérarchie, le tout légitimé par le sacré.
Le contrôle de la production, du stockage et de la redistribution des céréales renforce la centralisation du pouvoir et la mise en place d’une organisation sociale et d’un système de gestion des ressources. L’organisation fiscale mise en place permet aux élites de s’approprier subrepticement une part des récoltes. Ainsi, la mégamachine institutionnalise très tôt le contrôle des ressources et la hiérarchie sociale.
Complexification sociale et émergence des chefferies
La sédentarisation n’a pas seulement transformé les modes de vie ; elle a aussi bouleversé l’imaginaire collectif. La fixation au sol, la construction du foyer et du grenier ont donné naissance à de nouveaux symboles : la maison devient le point d’ancrage de la famille, le grenier, le sanctuaire de la subsistance et de la solidarité tribale, et le village, un espace sacré de cohésion et de mémoire.
Cette évolution vers des sociétés plus complexes ne s’est pas faite sans tensions. Howard Bloom met en avant le fait que l’accumulation de ressources et la sédentarisation accentuent la compétition entre groupes et à l’intérieur des groupes eux-mêmes. Le stockage des céréales, loin d’être un simple progrès technique, devient un enjeu de pouvoir, catalysant la formation de hiérarchies sociales et la structuration des premières élites. La rivalité pour l’accès aux ressources engendre une violence collective qui constitue l’un des moteurs fondamentaux de l’histoire humaine, expliquant la genèse des inégalités et la consolidation des premières mégamachines sociales.
Fondamentalement, l’évolution sociale et biologique repose aussi sur la circulation et le partage de l’information. Chaque individu, chaque groupe, chaque institution n’existe et ne prospère qu’en échangeant des « bouts d’informations » avec son environnement. Cette capacité à recevoir, partager et traiter l’information constitue le socle même de l’intelligence collective, aussi bien au niveau des individus que des sociétés. Refuser l’information ou s’isoler du flux collectif, que ce soit dans la sphère privée, professionnelle ou politique, expose à la marginalisation ou à l’exclusion. Ce principe s’applique aussi bien aux nations, aux écosystèmes, qu’aux organisations locales : partout, la capacité à intégrer et diffuser l’information conditionne la cohésion, la résilience et la réussite des groupes humains, en un mot leur survie.
Les idées qui circulent dans les systèmes d’information agissent comme des entités vivantes, que le biologiste britannique Richard Dawkins nomme « mèmes », idées qui sélectionnent les individus capables de les porter et de les diffuser. Ce processus crée ainsi des « chefs » qui émergent, non pas par simple autorité personnelle, mais parce qu’ils sont les vecteurs ou les nœuds centraux d’un réseau d’informations agissantes. Cette sélection est donc opérée par des systèmes d’information complexes qui fonctionnent comme un « cerveau global » distribué, où l’intelligence collective émerge de l’interconnexion et de la compétition entre idées et groupes.
Howard Bloom illustre cette idée en s’appuyant sur des exemples biologiques et sociaux, montrant que cette dynamique de sélection par l’information est un mécanisme fondamental de l’évolution, dépassant la simple compétition darwinienne entre individus. Il identifie cinq catégories clés d’agents qui régulent cette sélection collective : les gardiens de la conformité, les générateurs de diversité, les juges internes, les redistributeurs de ressources et les organisateurs de compétition entre groupes. Ces mécanismes permettent à la fois la cohésion, l’innovation, la régulation interne et la récompense tout en exacerbant la compétition, combinaison dynamique qui façonne l’intelligence collective et qui agit sur la distribution de la hiérarchie sociale. La circulation de la parole, la transmission et l’écoute attentive sont au cœur de toute progression. La sagesse naît du dialogue et de la confrontation respectueuse des idées, condition de toute intelligence collective authentique.
Le chef, bien plus qu’un simple gestionnaire, se présente comme le médiateur entre les forces invisibles (idées, dieux, ancêtres) et la communauté. Son autorité repose sur sa capacité à capter, interpréter et redistribuer l’information, mais aussi à incarner symboliquement l’ordre et la continuité du groupe.
La mégamachine s’appuie sur une élite de ce type, assimilée à une caste sacerdotale ou royale, détentrice du savoir et du pouvoir de coordination. Ce mécanisme symbolique valide la confiscation du pouvoir par une minorité tout en démonétisant la règle démocratique au profit de l’autoritarisme.
Dans les systèmes humains, ce sont les flux d’informations qui orchestrent la sélection des individus et la création des leaders. Les idées agissent comme des forces autonomes qui façonnent les structures sociales et politiques. C’est ainsi qu’apparaissent des « superorganismes », entités émergentes dépassant la somme des individus. Ce processus, régi par les lois darwiniennes de compétition pour les ressources et la survie, conduit à la constitution des premiers États.
Bière et sacré : économie symbolique des premiers États
Le stockage des céréales, dont on a vu la fonction dans la sécurité alimentaire des groupes sédentarisés, va également alimenter la production de bière, boisson fermentée sacrée dans les rituels religieux de Mésopotamie et d’Égypte.
En Égypte, des fresques de tombes de l’Ancien Empire (2600 B.C.) montrent des brasseuses préparant la bière (zythum) pour les offrandes. Sur le site de Hiérakonpolis, ont été découverts les vestiges d’une brasserie datée de la fin de la période amratienne (Nagada 1 – 4000 à 3500 B.C.). Il y avait là au moins six brassins céramiques à parois épaisses, disposés en deux rangs. En Mésopotamie, l’Hymne à Ninkasi (1800 B.C.) décrit la fabrication rituelle de la bière qui sera offerte aux dieux.
La fermentation est vue comme un acte sacré. Offrir la bière aux dieux permet aux souverains d’affirmer leur rôle d’intermédiaires et de légitimer leur autorité. La bière, fermentée grâce aux dons de la terre et du savoir humain, devient un symbole de transformation et d’union entre le monde des hommes et celui des dieux. Les offrandes et les grands travaux, réalisés en leur honneur, sont autant d’actes rituels qui réaffirment périodiquement l’ordre cosmique et social. La bière occupe une place centrale dans les rituels religieux, renforçant le lien entre le pouvoir politique et le divin. En Égypte, elle est associée à des divinités comme Osiris et Hathor. La bière, fruit de la transformation de la matière par le feu et la fermentation, rappelle le travail alchimique : c’est dans la transmutation intérieure que l’être humain élève sa nature profane vers la lumière de l’esprit.
La mégamachine institutionnalisée (3000 à 500 av. J.-C.)
Temples et divinité royale : légitimation du pouvoir
Les dieux mésopotamiens et égyptiens ont joué un rôle central dans la mise en place de la mégamachine à l’âge du bronze.
En Mésopotamie, les dieux, tels Enlil, Enki et Inanna, étaient souvent associés aux rois et aux dirigeants. Les temples, qui servaient aussi de centres administratifs et économiques, étaient dédiés à ces divinités. Les prêtres et les rois étaient perçus comme des intermédiaires entre les dieux et les humains, ce qui leur conférait une autorité légitime pour organiser et contrôler les ressources. Les grands projets de construction, comme les ziggurats et les canaux d’irrigation, étaient entrepris en l’honneur des dieux. Les travailleurs étaient mobilisés pour ces projets sous la supervision des prêtres et des fonctionnaires. Cette organisation du travail entraînait une centralisation des ressources et un renforcement du pouvoir des élites.
Les temples servaient également de greniers où les récoltes étaient stockées et redistribuées sous forme de rations. Cette pratique permettait d’assurer la subsistance de la population, tout en renforçant le contrôle des élites sur la communauté.
Monarchie divine et grands travaux
En Égypte, le pharaon était considéré comme un dieu vivant, à tout le moins comme un intermédiaire des dieux sur Terre. Cette qualité surnaturelle garantissait son rôle de chef suprême, au pouvoir absolu.Les grands projets de construction, comme les pyramides, étaient souvent entrepris pour honorer les dieux et assurer la vie du pharaon après sa mort. Le temple, édifié au cœur de la cité, matérialisait l’axe du monde, reliant le ciel et la terre, les hommes et les dieux. Le pharaon, en tant que roi-prêtre, incarnait cette médiation, garantissant la fertilité, la justice et la paix. Les grands chantiers, mobilisant la collectivité, étaient autant de rituels solennels où l’ordre social était mis en scène pour réaffirmer la place de chacun dans l’ordre cosmique.
En Égypte, les grands projets de construction, tels que les pyramides et les temples, nécessitaient une organisation complexe du travail. Des milliers de travailleurs étaient mobilisés et dirigés par des fonctionnaires et des prêtres. Cette organisation nécessitait de centraliser les ressources et de renforcer le pouvoir du pharaon. Les greniers royaux et les temples servaient de centres de stockage pour les récoltes. Les aliments étaient redistribués sous forme de rations aux travailleurs et aux fonctionnaires, assurant ainsi la subsistance de la population et renforçant le contrôle du pharaon sur ses sujets.
La création des dieux en Mésopotamie et en Égypte reflète les préoccupations fondamentales de ces civilisations, telles que la création du monde, la fertilité, la sagesse ou la vie après la mort. Chaque grand projet collectif devient ainsi une épreuve initiatique, où la matière brute du monde est transformée en œuvre ordonnée. Toute construction terrestre est le reflet d’un ordre invisible, selon le principe : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ». En tant que forces spirituelles et symboliques, ces dieux participent de la mythologie et de la religion de ces cultures, lesquelles légitiment le pouvoir des élites, leurs prérogatives en matière de distribution des ressources et d’organisation du travail. Ils ont joué un rôle crucial dans la mise en place de la mégamachine pendant l’âge du bronze.
Standardisation et bureaucratie
Les premiers États sont apparus en Mésopotamie et en Égypte à la fin du IVe millénaire B.C., puis dans la vallée de l’Indus, en Chine avec la légendaire dynastie Xia, dans la civilisation d’Elam en Iran, et avec la civilisation sabéenne au Yémen. Ils se caractérisent par une organisation politique centralisée, l’apparition de l’écriture, une administration, des lois, une armée et de grands monuments.
Civilisation | Région | Époque d’apparition des premiers États |
Sumériens (Mésopotamie) | Irak (Croissant fertile) | 3500 à 2900 B.C. |
Égyptiens (Égypte) | Vallée du Nil | 3200 à 3000 B.C. |
Indus | Pakistan, NW Inde | 2300 à 1900 B.C. |
Chinois (Fleuve Jaune) | Nord de la Chine | 2200 à 1600 B.C. (dyn. Shang) |
Élamites | Iran (Élam) | IIIe millénaire B.C. |
Sabéens | Yémen/Éthiopie | 2500 B.C. |
Plaine du Gange | Inde | 1700 à 500 B.C. |
Uruk et la révolution urbaine

Le premier État dont on a une connaissance assez précise appartient à la culture d’Uruk, en Mésopotamie. Entre 3500 B.C. et 2900 B.C. Uruk devient la première grande civilisation urbaine du monde, centrée sur la ville d’Uruk (Warka). Elle se manifeste par l’apparition des premières villes, par l’éclosion d’une architecture monumentale (ziggurats), et par la mise en place d’un système administratif élaboré. C’est là qu’est apparue l’une des premières écritures, le cunéiforme, inventée vers 3400 B.C., qui va d’abord servir à gérer les stocks de céréales et à organiser la redistribution.
Pendant la période d’Uruk apparaissent :
- L’écriture cunéiforme (3400 B.C.), utilisée pour la gestion des stocks, les allocations de bière et la planification économique.
- Les sceaux-cylindres, marques d’autorité administrative, comme celui de la prêtresse Puabi, contrôlant les entrepôts de grains.
- Les bols à bord biseauté standardisés, servant pour la distribution des rations, qui préfigurent les systèmes de mesure ultérieurs, jusqu’au système métrique.
La culture d’Uruk diffuse ses innovations techniques et artistiques dans tout le Proche-Orient, ainsi que le modèle d’une organisation sociale hiérarchisée centrée sur le pouvoir du « roi-prêtre ».
Les inégalités économiques se renforcent :
- Les élites urbaines monopolisent la gestion des ressources, l’accès à l’écriture et à l’administration, et la redistribution des surplus.
- La spécialisation du travail et la hiérarchisation sociale sont lisibles dans les archives d’Ur III (2100 B.C.), qui détaillent quotas de travail, salaires en orge et gestion des esclaves.
Nagada et la genèse de l’État égyptien
En Égypte, la culture de Nagada (3900 B.C. à 3150 B.C.) prépare l’unification du pays. Elle se distingue par une agriculture intensive, un artisanat raffiné (poterie décorée, premiers objets métalliques), et une hiérarchisation sociale croissante, visible dans les tombes de Hiérakonpolis et la nécropole d’Oumm el-Qa’ab à Abydos.

Nagada III (3300 B.C.) développe :
- Des ateliers royaux à Hiérakonpolis, produisant en série des poteries décorées de scènes de triomphe royal.
- Une iconographie du pouvoir : la palette de Narmer (3100 B.C.) montre le roi frappant un ennemi, symbole de l’unification par la force.
- Des réseaux commerciaux : l’obsidienne d’Éthiopie et le lapis-lazuli d’Afghanistan témoignent d’échanges sur 3000 km.
La période thinite (vers 3100 B.C.) correspond à l’unification de l’Égypte, avec l’émergence d’une culture spécifique et le développement de l’écriture hiéroglyphique. Le pouvoir royal s’impose comme système centralisateur : les pharaons, fils d’Horus, contrôlent les crues du Nil par le moyen d’un réseau de canaux qu’ils ont fait construire ; ils gèrent aussi les greniers, qui assurent leur domination.
Evolution des nécropoles égyptiennes
La nécropole d’Oumm el-Qa’ab à Abydos devient, dès la période pré-dynastique, le principal lieu d’inhumation des premiers souverains égyptiens. L’évolution architecturale progressive de ces tombes reflète la montée en puissance du pouvoir royal et la complexification de la monarchie, avant et après l’unification du pays.
Dès la fin de la période amratienne (Nagada I), des tombes de l’élite apparaissent dans des centres majeurs comme Nagada, Hiérakonpolis et Abydos, témoignant de transformations sociales profondes. Ces sites joueront un rôle décisif dans la formation de la monarchie pharaonienne. À cette époque, la différenciation des types de tombes est lente mais continue, marquant la transition vers une architecture funéraire élaborée et un enrichissement progressif du mobilier funéraire.
À la fin de Nagada I, une variante spécifique émerge : les tombes à niches, conçues pour accueillir de nombreuses offrandes, notamment des vases de grande taille. On y trouve souvent, le long des parois, de grandes jarres ainsi que, près de la dépouille, des outils, des articles de toilette ou de petits vases en argile et en pierre.
Les premières tombes royales apparaissent à la période Nagada II et III : bien que modestes, elles présentent déjà une chambre funéraire centrale entourée de salles annexes pour le stockage des offrandes, signe d’une organisation funéraire élaborée. Avec l’avènement de la période thinite, les tombes royales deviennent plus vastes et monumentales, souvent entourées d’enceintes en briques d’argile au style de « façade de palais ». Ces complexes sont accompagnés de tombes subsidiaires pour les serviteurs royaux, soulignant le pouvoir absolu du souverain.
- La plus ancienne tombe royale identifiée à Abydos est celle d’Iry-Hor (dynastie 0), composée de trois pièces séparées. On y a retrouvé quelques fragments de mobilier funéraire, dont des tessons de poterie portant son nom.
- À une quinzaine de mètres, deux autres chambres sont attribuées à Ka, son successeur probable.
- La tombe du roi Scorpion, autre souverain de la dynastie 0, n’a pas encore été formellement identifiée, mais son existence est attestée par d’autres sources archéologiques.
- Au sud-ouest de ces tombes, se trouve la sépulture de Narmer, souvent considéré comme le dernier roi de la dynastie 0 ou le premier de la première dynastie, et l’unificateur des Deux Terres. Sa tombe, composée de deux chambres jointes, est plus grande et plus complexe que les précédentes. Les objets retrouvés, comme des fragments de coffrets en ivoire décorés de scènes de victoire, témoignent de la consolidation du pouvoir royal. La célèbre palette de Narmer, découverte à Hiérakonpolis, symbolise l’unification politique de la Haute et de la Basse-Égypte.
- La succession se poursuit avec Âha (première dynastie), dont la tombe comprend trois caveaux funéraires séparés, entourés à l’est de sépultures destinées aux membres de la suite royale. Ces tombes subsidiaires, organisées en rangs, illustrent l’apparition d’une coutume caractéristique de la première dynastie : l’ensevelissement de jeunes serviteurs (17 à 25 ans) accompagnant le souverain dans l’au-delà. On ignore les modalités de leur sélection, mais il est probable qu’ils aient été sacrifiés pour accompagner le pharaon.
- À l’ouest du complexe d’Âha, se trouve la tombe de Djer, son successeur. Sa sépulture est entourée de 318 tombes subsidiaires réparties en huit groupes, témoignant de l’ampleur prise par le rite funéraire. La tombe de Djer fut plus tard restaurée et vénérée comme celle d’Osiris, devenant un lieu de pèlerinage jusqu’à la XXVIème dynastie.
- Plus à l’Ouest encore, le tombeau de Djet, roi suivant, est entouré de 174 tombes disposées en sept groupes, poursuivant la tradition initiée sous Djer.
Les successeurs directs de Narmer – Âha, Djer, Djet, puis Den – perpétuent et amplifient cette tradition funéraire à Abydos, avec des tombes de plus en plus grandes et des enceintes monumentales. Cette évolution reflète la centralisation croissante du pouvoir royal, la hiérarchisation sociale et le contrôle du territoire, y compris sur la Basse-Égypte. Le culte d’Osiris, dieu de la régénération, rappelle que toute construction, pour être pérenne, doit s’inscrire dans le cycle éternel de la vie, de la mort et de la renaissance. La transmission de la lumière ne s’arrête jamais, elle se perpétue de génération en génération. Les tombes monumentales, accompagnées de nombreuses sépultures subsidiaires, illustrent la sacralité du roi et la consolidation de la monarchie égyptienne naissante.
Commerces et travaux monumentaux
Travaux collectifs, coercition et différenciation sociale
La mise en place de l’organisation sociale et politique en Mésopotamie et en Égypte a résulté de la volonté de l’élite de satisfaire les besoins de leurs populations pour mieux affirmer leur pouvoir : besoins matériels du peuple, en assurant du mieux possible sa sécurité alimentaire ; besoins spirituels, en érigeant des monuments à la gloire des dieux et de leurs représentants sur Terre. D’où la réalisation de travaux colossaux, qu’il s’agisse du creusement de réseaux complexes d’irrigation, ou de la construction de monuments gigantesques, opérations qui ont mobilisé une main-d’œuvre considérable, et qui exigeaient une organisation sociale rigoureuse.
En Mésopotamie, la survie économique dépendait étroitement de la maîtrise de l’eau, obtenue grâce à un vaste système de canaux d’irrigation. Leur entretien nécessitait la mobilisation de milliers d’ouvriers, comme en témoigne une lettre mentionnant la mobilisation de près de 2 000 hommes pour curer un seul canal. La construction et la maintenance de ces infrastructures exigeaient une administration centralisée capable de planifier et répartir les tâches, fournir les matériaux, superviser les équipes et les nourrir. Des textes cunéiformes détaillent les quotas journaliers de travail, les types de briques à fabriquer, la responsabilité des ouvriers, ce qui témoigne d’une organisation très structurée.
Cette gestion hiérarchisée du collectif de travail a irrigué la société mésopotamienne d’une dynamique politique forte, où le pouvoir royal s’est imposé comme garant de la prospérité et de la stabilité.
En Égypte, la construction de la pyramide de Khéops (2560 B.C.) a mobilisé 20000 ouvriers logés dans la « ville perdue » de Heit el-Ghurab, où l’on consommait quotidiennement 11 bovins et 37 moutons (4000 kg de viande/jour) et 21000 litres de bière, distribués comme ration hydrique et calorique. Les squelettes retrouvés sur le site montrent des régimes riches en protéines et des fractures soignées, révélant un système de soins perfectionné. La planification rigoureuse, l’orientation astronomique précise et la gestion logistique complexe (transport des blocs, approvisionnement en nourriture et eau) témoignent d’une administration centralisée et efficace. Les ouvriers, souvent agriculteurs pendant la saison des crues, travaillaient selon des horaires stricts, dans un système collectif où chaque tâche était répartie pour maximiser la productivité. Ils faisaient preuve d’une grande compétence.
Cependant, les inégalités sont visibles dans la différenciation alimentaire et l’accès aux ressources :
- Les contremaîtres et les élites bénéficiaient de régimes plus riches (viande, bière), tandis que les ouvriers recevaient principalement des céréales.
- Les corvées imposées pour les grands travaux renforçaient la subordination des classes populaires et la domination symbolique des dirigeants.
Dans ces deux régions, la construction des infrastructures hydrauliques ou monumentales ne pouvait se concevoir sans une organisation sociale complexe, fondée sur une administration centralisée du pouvoir avec une hiérarchisation des tâches, la spécialisation des ouvriers et la coordination étroite entre les différents acteurs. Cette organisation sociale, en mobilisant des milliers d’individus autour d’objectifs communs, a conduit à la réalisation de projets techniques exceptionnels. Par la même occasion, elle a consolidé les pouvoirs politiques, qui ont pu s’appuyer sur ces grands chantiers pour affirmer leur autorité et légitimer leur domination, en s’inscrivant dans une logique de compétition et de coopération à grande échelle.
Ces mégastructures sociales ont résulté d’une sélection naturelle à l’échelle des groupes : les sociétés les plus aptes à canaliser l’énergie collective et à imposer une discipline interne ont prospéré et survécu. Pour ce faire, elles n’ont pas hésité à recourir à la violence. La mégamachine, dans cette perspective, n’apparaît pas seulement comme une construction technique ou politique, mais aussi comme l’expression d’une dynamique profonde de l’espèce humaine où la quête de puissance, de sécurité et de reconnaissance façonne les institutions et les mythes.
Systèmes fiscaux et routes commerciales
Le commerce et les routes commerciales jouèrent un rôle central dans la consolidation des premiers États, tant en Mésopotamie qu’en Égypte, en structurant à la fois les échanges économiques et les mécanismes de prélèvement fiscal.
Dès le 4ème millénaire B.C., la Mésopotamie, dépourvue de métaux, de bois et de pierres précieuses, développa un réseau commercial à longue distance pour importer ces ressources depuis l’Anatolie, l’Iran ou la vallée de l’Indus. Les cités-États comme Uruk établirent des comptoirs et des colonies, véritables avant-postes économiques où s’échangeaient des biens tels que le cuivre, l’ivoire ou le lapis-lazuli contre des céréales, des textiles et de la céramique mésopotamienne. Ces routes commerciales ne servaient pas seulement à l’approvisionnement en matières premières ; elles devinrent également des vecteurs de contrôle fiscal. Les temples, centres névralgiques de l’administration, prélevaient des taxes sur les marchandises qui empruntaient les voies de communications, essentiellement fluviales. L’écriture cunéiforme permit de codifier ces transactions et de tenir des registres précis des tributs et des redevances, transformant le commerce en outil de gouvernance.
En Égypte, le Nil constituait l’artère vitale des échanges et de la fiscalité. Les crues régulières du fleuve favorisaient une agriculture prospère, mais le pays dépendait également de l’importation de bois du Levant, d’or de Nubie et de résines aromatiques de Pount en Somalie. Les pharaons instituèrent un système fiscal complexe, où l’impôt était prélevé en nature – céréales, bétail, tissus – et évalué selon une unité de compte, le deben, équivalent à environ 90 grammes de cuivre. Les greniers royaux et les temples stockaient ces ressources, redistribuées ensuite pour financer les grands travaux (pyramides, temples) et l’entretien de l’armée. La route commerciale du Ouadi Hammamat, reliant le Nil à la mer Rouge, illustre cette logique : les marchandises transitant par cette voie étaient taxées pour alimenter le trésor royal, tandis que les fonctionnaires surveillaient étroitement les échanges pour éviter la fraude.
Ces systèmes fiscaux et commerciaux renforcèrent la centralisation du pouvoir. En Mésopotamie, les ensi (gouverneurs religieux) et lugal (souverains) utilisaient les revenus du commerce pour financer des infrastructures d’irrigation et des projets monumentaux, légitimant leur autorité par la redistribution des surplus.
Cette organisation reposait sur un système où l’information qui circulait le long des routes commerciales – prix, disponibilité des ressources, besoins militaires – permettait aux élites d’optimiser la collecte des taxes et la gestion des stocks. Ainsi, le commerce ne fut pas seulement un moteur économique, mais aussi un instrument de domination, intégrant les individus et les communautés dans une mégamachine où la richesse s’échangeait sous le contrôle strict des premiers États.
L’âge des métaux : stratification, empires et résistances
Le bronze, outil de pouvoir et de conflit (3000 B.C.)
Vers 3000 B.C., la maîtrise du bronze révolutionne les sociétés. La métallurgie du bronze (cuivre + étain) nécessite des réseaux commerciaux transcontinentaux : de Cornouailles pour l’étain, et de la Méditerranée, notamment Chypre, pour le cuivre en direction de la Mésopotamie.
Les tombes royales d’Ur (2500 B.C.) contiennent des armes en bronze incrustées de lapis-lazuli, symboles de pouvoir à la fois militaire et économique.
Ce contrôle du métal et des routes commerciales génère de nouvelles inégalités. Les élites, qui dominent les « nœuds » stratégiques et taxent les flux marchands, s’enrichissent. La métallurgie, réservée à des spécialistes, favorise l’émergence d’une classe guerrière et marchande détentrice d’armes et d’outils. La possession de métaux devient un marqueur de distinction sociale.
La production et le contrôle du métal confèrent un avantage militaire et économique décisif, renforçant les inégalités sociales et la stratification des populations. D’une part, les armes en bronze, plus résistantes et plus tranchantes que celles en pierre ou en cuivre, donnaient un net avantage militaire aux groupes qui les possédaient, facilitant tout à la fois la conquête et la défense des territoires. D’autre part, la production d’outils métalliques améliorait l’efficacité agricole et artisanale, augmentant la productivité et les surplus économiques.
La métallurgie nécessitait une spécialisation accrue des artisans, mineurs et forgerons, ainsi que la mise en place d’un réseau commercial étendu pour l’approvisionnement en minerais. Le contrôle des ressources métalliques et des routes commerciales a renforcé le pouvoir des élites concernées.
De la mégamachine antique à la société industrielle et numérique
Empires antiques : centralisation et réseaux
Avec l’essor des grands empires (Perse, Égypte tardive, Rome, Chine Han), la mégamachine change d’échelle. Les souverains centralisent le pouvoir, développent des infrastructures (routes, aqueducs, ports) et mettent en place des réseaux de communication et de contrôle sans précédent.
L’armée permanente devient l’un des piliers de l’État, encadrée par une hiérarchie stricte et dotée de moyens logistiques considérables. Les routes commerciales, les relais de poste et les villes stratégiques assurent la circulation des biens, des personnes et des informations à travers de vastes territoires.
La fiscalité, la conscription et la redistribution des terres renforcent la cohésion de l’empire, tout en accentuant la dépendance des populations envers le pouvoir central. Les élites administratives, souvent recrutées sur la base du mérite (examens en Chine, cursus honorum à Rome), assurent la stabilité et la continuité de l’État.
Du Moyen Âge à la révolution industrielle
Au Moyen Âge, la mégamachine connaît une phase de fragmentation, marquée par la décentralisation du pouvoir et la montée en puissance des seigneuries locales. Toutefois, l’Église, à travers sa hiérarchie, ses monastères et ses ordres religieux, constitue un réseau transnational qui perpétue la logique de centralisation et de contrôle.
Avec la montée du capitalisme marchand, les guildes, les corporations et les banques développent des systèmes de gestion, d’assurance et de crédit qui préfigurent les réseaux économiques modernes. Avec l’essor des villes, de nouvelles formes d’organisation sociale émergent. Après une longue période de stagnation, la redécouverte des textes antiques anime le renouveau des idées.
La création de l’État-nation a constitué une étape décisive dans la structuration des groupes humains. Des populations unies par des intérêts communs (langue, religion) se sont agrégées pour former un type spécifique d’organisation, dont la cohérence repose sur une identité commune. L’État-nation s’est imposé progressivement, dès le Moyen Age en France, sous l’action déterminée des rois, qui installent alors une bureaucratie centralisée et disciplinée qui fixe les normes, en s’appuyant sur une administration qui maille le territoire, sur une police professionnelle et sur l’armée, ultime recours pour mettre au pas les populations récalcitrantes.
La révolution industrielle marque un tournant décisif : l’urbanisation, la production de masse et sa mécanisation transforment les modes de vie, les rapports sociaux et l’organisation du travail. Les technologies énergétiques, avec l’utilisation du charbon puis du pétrole, économisent l’énergie humaine et animale, transformant profondément les modes de production et d’organisation sociale.
20ème siècle : technocratie et complexité
Pendant les Temps modernes, l’essor de la mégamachine s’est amplifié avec le renforcement des États-nations, l’expansion inexorable du capitalisme et la poursuite de la révolution industrielle. L’organisation sociale s’est complexifiée, intégrant des bureaucraties étatiques puissantes, des armées permanentes et des systèmes économiques mondialisés. La mécanisation et la production de masse ont permis une exploitation accrue des ressources naturelles et humaines, tandis que les nouvelles technologies de transport et de communication ont étendu la portée et la vitesse de contrôle des populations.
L’avènement de l’informatique et des technologies numériques, à partir de la seconde moitié du 20ème siècle, marque une nouvelle étape dans le développement de la mégamachine. Le concept de mégamachine est souvent limité à l’idée d’un réseau unifié de machines interconnectées, conception rejoignant les idées de Howard Bloom. Ce dernier décrit la planète comme un « superorganisme » où les individus et groupes fonctionnent comme des neurones interconnectés, formant un « cerveau global ». Aujourd’hui, Internet et les réseaux sociaux incarnent cette idée en facilitant la circulation rapide et massive de l’information, permettant des apprentissages collectifs et des innovations collaboratives à l’échelle planétaire. Mais pas seulement !
Au-delà des aspects techniques et sociaux, la relation entre l’homme et la machine, selon le philosophe Denis Collin, revêt une dimension ontologique profonde. On assiste à un véritable « devenir-machine » de l’homme, qui se manifeste à plusieurs niveaux : l’invasion progressive du monde vivant par les machines, la conception mécaniste de l’être vivant et de l’esprit, la transformation de la vie sociale en une mégamachine globale, jusqu’à la réification de l’homme lui-même, produit et façonné à l’image des machines.
La mégamachine à l’ère contemporaine
Aliénation technocratique
Lewis Mumford, dans ses critiques de la mégatechnique, souligne que cette phase moderne de la mégamachine est caractérisée par une dépendance excessive à la technologie, en raison d’une quête insatiable de croissance et de pouvoir, souvent au détriment de la liberté individuelle et de l’environnement. Il dénonce notamment les phénomènes d’obsolescence programmée, la standardisation forcée, et la domination croissante des technocraties qui réduisent l’humain à un simple rouage. La mégamachine moderne, militarisée et bureaucratique, produit un fonctionnement froid, abstrait et déshumanisé des institutions.
L’automatisation s’étend désormais aux processus décisionnels, augmentant la capacité de contrôle, de surveillance et d’optimisation des systèmes sociaux et économiques. L’informatisation des systèmes économiques, militaires et administratifs accroît la capacité de traitement de l’information et la rapidité des décisions, tout en posant de nouveaux défis en termes de vie privée, de liberté et d’aliénation.
Pouvoir instrumentarien
Selon l’expression utilisée par la sociologue américaine Shoshana Zuboff, le « pouvoir instrumentarien » repose sur la collecte, par les plateformes numériques, des données personnelles des internautes au moyen de mouchards électroniques, les cookies. Ces données sont ensuite analysées et mises en forme pour être utilisées à des fins de manipulation commerciale ou politique. Dès lors que des milliards d’individus utilisent couramment Internet, cette technique a induit une révolution sans précédent, qui s’est déroulée silencieusement et sans résistances, avec la collaboration active de ses propres victimes. C’est par la généralisation de ce pouvoir instrumentarien que l’on est entré dans « L’age du capitalisme de surveillance », selon le titre d’un ouvrage de l’auteure : un nouveau type de pouvoir qui « surveille, suit, cible, analyse, définit, manipule et contrôle des individus, des groupes, des populations ». Ce système ne relève pas d’un projet autoritaire classique, mais d’une nouvelle forme de domination sociale fondée sur la manipulation invisible et l’absence de régulation démocratique. Le pouvoir instrumentarien met en péril le libre arbitre, la vie privée et les fondements mêmes de la démocratie. Il initie un nouveau stade du capitalisme, apparu au début des années 2000, où l’expérience humaine elle-même devient la matière première d’un système d’extraction, de production et de vente de données comportementales.
Les Magnificent Seven (autrement appelés les GAFAM : Alphabet, Amazon, Meta, Apple, Microsoft, Tesla, et Nvidia), aujourd’hui plus puissants que les Etats, transforment les traces numériques laissées par les utilisateurs en « surplus comportemental », à savoir l’analyse probabiliste de nos envies, de nos sentiments et de nos pensées. Cette matière première informationnelle pourra alors être utilisée pour prédire, influencer et parfois manipuler nos comportements futurs. Mais loin de s’en tenir à l’optimisation des comportements consommateurs, la mégamachine contemporaine permet d’exercer un contrôle social renforcé, comme le montre l’exemple chinois du système de crédit social (en vigueur depuis 2014). Celui-ci repose sur le principe d’une surveillance de tous les instants de la population par un système maillé de caméras couplées à la reconnaissance faciale, qui permet d’identifier tous les individus qui ont un comportement jugé déviant : frauder, fumer dans les transports en commun, ne pas s’arrêter au feu rouge, etc. En 2023, 23 millions de Chinois étaient interdits de transport aérien pour « manque de crédit social ».
21ème siècle : L’intelligence artificielle et le fantasme de l’autonomie
Au 21ème siècle, la mégamachine entre dans une nouvelle phase de transformation profonde. Les ensembles robotisés et les machines-outils, les ordinateurs et désormais les systèmes d’intelligence artificielle tendent à fusionner pour former un réseau techno-économique et politique d’une complexité et d’une puissance inédites. Ce complexe cybernétique n’automatise pas seulement les tâches physiques ; il intervient dans les processus décisionnels et accroît la capacité de contrôle, de surveillance et d’optimisation de la mégamachine. Les modèles d’intelligence artificielle comme GPT-4 (apparu en 2023) posent la question de l’agentivité humaine : sommes-nous encore maîtres de notre existence ? Les enseignes commerciales, et désormais les gouvernements, utilisent le nudge marketing (marketing incitatif) pour influencer le choix des individus, aussi bien en matière de consommation que d’orientations politiques, en utilisant ce « surplus comportemental » identifié par Shoshana Zuboff. Par ailleurs, des Deepfakes sont diffusés sur les réseaux sociaux pour manipuler des élections (ex. : Slovaquie, 2023).
Cette évolution soulève des questions fondamentales : la machine pourra-t-elle se passer de l’humain ? L’humain deviendra-t-il le serviteur d’un système de plus en plus autonome ? Certains craignent que l’intelligence artificielle rende obsolète la main-d’œuvre humaine, tandis que d’autres estiment que l’humain reste indispensable, bien que dans un rôle subordonné. Mais l’équilibre est fragile : l’humain risque de devenir un simple rouage, un élément contrôlé et exploité par un système de plus en plus autonome et opaque. Ces interrogations rejoignent les analyses de Jean-Michel Truong, cogniticien, qui envisage l’émergence d’une intelligence artificielle supérieure, « totalement inhumaine », susceptible de supplanter l’homme comme « habitacle de la conscience ». Cette perspective invite à réfléchir à la place de l’humain face à des systèmes technologiques qui pourraient le dépasser, posant des enjeux éthiques, politiques et sociaux majeurs.
Résistances et alternatives
L’histoire des sociétés humaines révèle une dynamique récurrente : la construction de systèmes complexes de pouvoir, capables de mobiliser des ressources considérables pour organiser la production ou conduire une guerre. Des systèmes de stockage des denrées en Mésopotamie aux réseaux numériques contemporains en passant par les révolutions industrielles, chaque étape de cette évolution a apporté des bénéfices tangibles tout en posant des questions éthiques et existentielles cruciales. Ces systèmes, qu’on peut regrouper sous le concept de mégamachine, ont évolué en intégrant les innovations techniques et sociales de chaque époque, jusqu’à l’ère numérique et à l’avènement de l’intelligence artificielle.
La mégamachine se présente comme le produit d’une dynamique évolutive où la violence collective, la discipline sociale et la quête de domination sont intimement liées à l’histoire de l’humanité.
Howard Bloom, tout en reconnaissant le caractère destructeur du « principe de Lucifer », considère ce dernier comme une force inévitable, nécessaire à l’innovation et à l’émergence de la complexité sociale.
À l’inverse, Lewis Mumford dénonce la mégamachine en tant que menace pour la démocratie et l’écologie, plaidant pour un recours à une technologie davantage humaniste.
Ainsi, ces analyses offrent deux perspectives complémentaires sur les mécanismes du pouvoir et sur l’organisation sociale : l’une s’appuie sur les fondements de la biologie évolutive, tandis que l’autre s’inscrit dans une critique techno-politique. Toutes deux mettent en lumière que, qu’elles soient issues de la nature humaine ou des avancées technologiques, les structures collectives tendent inévitablement vers la violence et l’agressivité qui ne sont pas des anomalies, mais des forces fondamentales inscrites dans la nature humaine et dans les dynamiques de domination et de compétition, indissociables de l’histoire humaine.
Conclusion
Le défi contemporain consiste à rechercher comment l’humain pourra conserver sa place, sa liberté et sa dignité face à des structures toujours plus puissantes et autonomes.
Face à l’intelligence artificielle, deux scénarios se dessinent. Un cauchemar dystopique : une oligarchie technocratique utilise l’intelligence artificielle pour contrôler les populations, comme dans Le Meilleur des mondes d’Huxley ; ou bien une utopie coopérative : les communs numériques (logiciels libres, réseaux sociaux décentralisés appelés le fediverse, Wikipedia), montrent que la technologie peut promouvoir une économie collaborative.
Pour Mumford, la clé réside dans un « équilibre organique », où la technique reste subordonnée à l’éthique. Ce défi est plus actuel que jamais.
La survie et le progrès humains dépendront de notre capacité à partager l’information, à coopérer tout en gérant la compétition, et à construire des réseaux sociaux et technologiques qui reflètent le fonctionnement d’un cerveau global intelligent et résilient.
C’est là l’enjeu majeur du 21ème siècle : puisque les évolutions techniques façonnent de manière considérable les comportements humains, il convient de se mettre en capacité de les comprendre pour mieux les maîtriser. Cela implique d’adopter des stratégies collaboratives et adaptatives pour relever les défis globaux que nous lance la mégamachine : maîtriser la technique, promouvoir un usage éthique de l’intelligence artificielle.
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