La Zététique, l’art du doute
En ce début du 21ème siècle, l’astrologie, la parapsychologie, les médecines magiques et autres phénomènes « paranormaux » ont pignon sur rue. Si nous prenons l’exemple du pays de Descartes, les croyances, et l’irrationnel au sens large, y fleurissent d’une manière beaucoup plus forte que ce que l’on pourrait présupposer. L’évidence selon laquelle « le fait même d’être dans une société technologiquement avancée aurait pour conséquence une élimination rapide de la pensée irrationnelle » a vécu. C’est dans ce cadre qu’il convient de connaître et de promouvoir une méthode permettant de « pénétrer la raison des choses » comme la définissait Émile Littré ; La zététique. Elle a pour objectif de contribuer à la formation chez chaque individu d’une capacité d’appropriation critique du savoir humain.
Son origine remonte a l’Antiquité et était parée de pratiques particulières… Aux lendemains du règne d’Alexandre, alors qu’Aristote avait laissé à son disciple Théophraste le soin de diriger le Lycée d’Athènes, un jeune philosophe de 18 ans débarquait dans la cité. Il s’appelait Épicure. Il venait de Téos, en Ionie, où il avait suivi pendant quatre ans les leçons d’un professeur qu’il avait fini par détester. La haine du jeune homme envers Nausiphane, le grand maître en zététique, auprès duquel toute l’élite de la jeunesse venait s’initier à la « philosophie du doute » est longtemps restée énigmatique. Épicure était même allé jusqu’à nier l’influence – pourtant évidente – de son professeur sur sa propre philosophie. Ce reniement était dû au fait que son maître entraînait ses élèves dans des séances de « débauches matinales » préliminaires à la lecture d’ouvrages d’Anaxagore ou d’Empédocle.
Parmi les philosophes grecs, les uns disent qu’ils ont trouvé la vérité; ce sont les dogmatiques. D’autres nient qu’on puisse la saisir : ce sont les acataleptiques. D’autres enfin, sans affirmer que la vérité ait été trouvée, sans nier qu’elle puisse l’être, continuent à la chercher : ce sont les sceptiques. Qu’il y ait eu parfois alliance entre les représentants de l’acatalepsie et ceux du scepticisme, qu’il soit même, en certains cas, difficile de les distinguer les uns des autres par les doctrines, est indéniable. Pyrrhon fut en Grèce le fondateur du scepticisme : il sépara le domaine de l’apparence, de la science positive, du domaine de la réalité à laquelle entend s’attaquer la philosophie première ou la métaphysique. Il prit les phénomènes comme guides de la vie pratique et morale, mais s’en tint, pour les choses, à l’époque on suspension du jugement, d’où il faisait découler l’aphasie, puis l’ataraxie ou absence de trouble. Pour Pyrrhon, le doute ne peut être surmonté du fait de l’impuissance de l’esprit à atteindre la certitude. Il s’était posé trois questions : Que sont les choses en elles-mêmes ? Dans quelle disposition devons-nous être à leur égard ? Quel fruit retirerons-nous de cette disposition ?
D’abord on ne peut établir, pour les choses, aucune distinction, aucune différence, aucune mesure. C’est dans les dix modes ou tropes (de tropos=changement) que sont résumées les oppositions entre les intuitions sensibles et les perceptions de l’esprit, entre elles et entre les arguments.
En présence des mêmes objets il y a des représentations différentes pour les animaux (1er mode), pour les humains (2ème mode), pour chacun des sens d’un seul humain (3èmemode), pour ce seul humain en raison de ses dispositions ou de ses habitudes (4èmemode); en raison du mélange des objets, des situations, des distances et des lieux, de la constitution, de la fréquence ou de la rareté des événements (6ème, 7ème, 8ème, 9ème). Le 5ème trope s’applique surtout à la morale, le 10ème, tiré de la relation, rassemble les moyens de l’epokhè. En résumé, nous pouvons bien dire ce que nous apparaît tel objet, il nous est impossible de dire quel il est en réalité, qu’il s’agisse de sa nature ou de sa valeur naturelle au point de vue moral.
D’un côté, le doute de Pyrrhon ne porte donc pas uniquement sur la connaissance sensible. Pour lui, rien ne peut être saisi ni par les sens, ni par la raison; Diogène dit qu’il combat la raison comme les sens, qu’il ne définit rien dogmatiquement, ce qui l’oppose à Socrate, à Platon, à Aristote.
Le but de la vie philosophique pour Pyrrhon est l’indifférence à l’égard des événements et des opinions, indifférence qui se fonde sur le fait que, pour l’homme, « aucune chose n’est plus ceci que cela », c’est-à-dire que l’homme ne peut pas faire de différences entre les choses, ni du point de vue de la valeur ni du point de vue de la vérité. Il niait que l’homme puisse atteindre la vérité et pensait que tous les êtres organisés dans la nature étaient soumis à un renouvellement continuel, et qu’on ne pouvait en connaître que les apparences. Parmi les hommes, on ne rencontre qu’erreurs et contradictions de l’esprit, illusion des sens. A chaque proposition, on pouvait rencontrer son contraire, parfois tout aussi également probable ! Il en résulte que le sage ne doit pas porter de jugement. Il perçoit des apparences, mais ne peut les proclamer comme vraies.
Ainsi l’originalité spéculative de Pyrrhon, c’est d’avoir séparé le domaine de l’apparence, de la connaissance des phénomènes ou de la science positive, du domaine de la métaphysique ou de la philosophie première, de l’être et de la vérité, placée comme le voulait Aristote, après Platon et les Eléates, dans l’accord de nos affirmations avec la réalité.
Le pyrrhonisme se caractérise par le refus de toute affirmation dogmatique. Les racines du scepticisme remontent loin dans la tradition philosophique. Le mot vient du grec skeptikos, qui signifie « qui considère » ou « qui examine ». Le scepticisme est une variante de la zététique. Selon cette étymologie, la personne sceptique ne refuse pas a priori de croire l’affirmation qui lui est faite, elle désire au contraire l’examiner pour identifier ses fondements et sa validité. « La zététique est une variante assez originale du scepticisme ; c’est un scepticisme provisoire, c’est presque l’idée de Descartes, considérant le doute comme un moyen et non comme une fin, comme un procédé préliminaire, non comme un résultat définitif ».
Le terme de scepticisme a fini par désigner aujourd’hui, dans la langue commune, une attitude négative de la pensée. Le sceptique passe volontiers non pas seulement pour un esprit hésitant ou timoré, ne se prononçant sur rien, mais pour celui qui, quoi qu’il arrive ou quoi que l’on puisse dire, se réfugie dans le dénigrement. Aussi croit-on encore que le scepticisme est l’école du refus et de la dénégation agressive. En réalité, et par son étymologie même (skepsis signifiant en grec « examen »), le scepticisme s’interdirait plutôt toute position tranchée, à commencer même par celle qui consisterait à affirmer, bien avant Pyrrhon et comme l’abdéritain Métrodore, que nous ne savons qu’une seule chose : que nous ne savons rien. Les sceptiques se qualifient eux-mêmes de zététiques, c’est-à-dire de chercheurs ; d’éphectiques, qui pratiquent la suspension du jugement ; d’aporétiques, philosophes de l’embarras, de la perplexité et de l’issue non trouvée.
Le terme « Zététique » vient du grec zétein, qui signifie « chercher ». « L’analyse zététique » est le nom donné par François Viete à la « méthode analytique ». Ce terme a été popularisé en France par les ouvrages et l’enseignement de la « zététique » d’Henri Broch, à l’Université de Nice, pour qui elle est synonyme de méthodologie scientifique. D’après les renseignements sommaires que donne Sextus Empiricus, les zététiques, en s’appelant chercheurs, voulaient dire que l’esprit humain est fait pour chercher toujours et ne trouver jamais. Pour les zététiques ou chercheurs de vérité dans tous les domaines, il y aurait suspension du jugement tant que l’on n’aurait pas prouvé ou infirmé un fait. Ils pensent que la recherche de l’Absolu est impossible ou vaine. Selon Henri Broch. « l’outil principal de la zététique est la relation de cause à effet, à rechercher pour la validation d’une information ». Une faille dans la causalité d’un phénomène doit alors nous conduire à être sceptique, à nous interroger sur sa réalité, à entreprendre une analyse et une investigation poussées. Au final, elle peut nous amener à trouver le moyen de réfuter tel ou tel phénomène ou le raisonnement d’une personne affirmant l’existence de tel ou tel fait.
Pendant longtemps, les penseurs, avant le 16eme siècle, ont raisonné majoritairement par convictions et certitudes et par des spéculations théoriques, à la façon des grecs, sans vraiment se préoccuper de savoir si leur conviction pouvait être réfuté ou vérifié rigoureusement par les faits observés dans la nature. Ce n’est qu’à partir de Galilée, qu’on a commencé à vérifier par une analyse rigoureuse des faits expérimentaux, les affirmations philosophiques émises sur le fonctionnement de la nature.
Si nous posons la science comme un processus d’élaboration de connaissances efficientes sur le monde, selon un mode testable, réfutable, à l’aide d’une épistémologie logique et rationnelle et dans le cadre d’un monisme méthodologique matérialiste excluant toute intervention dualiste d’entités immatérielles dans le champ considéré, alors la démarche scientifique en son ensemble est zététique. Plus précisément, la zététique n’est rien d’autre que la méthode scientifique, mais appliquée à des champs de connaissance soulevant une telle charge affective qu’elle nécessite d’intégrer les impasses intellectuelles et les biais cognitifs relevant de la croyance, de l’adhésion ou de l’engagement. Devant ce qui est considéré comme « extraordinaire » – au sens de hors de l’ordinaire, ou du normal – la demande sociale est si forte que chaque étape d’investigation est potentiellement vectrice de fantasmes. C’est cette approche scientifique interdisciplinaire qui fait le corps de la méthode zététique.
La méthodologie scientifique a été élaborée entre les 16ème et 18ème siècles, par de grands penseurs philosophes et scientifiques, dont Galilée et Descartes. Ce dernier ayant en grande partie formalisée cette méthodologie. La démarche scientifique est une démarche extrêmement rigoureuse et tatillonne. Tout détail même le plus anodin est un indice intéressant. Durant le processus de vérification et de validation scientifique, on vérifie et revérifie de nouveau tout sans cesse, on procède à des contre-vérifications rigoureuses, tant que subsiste le moindre doute… Tout scientifique doit nécessairement passer par la « fourches caudines » obligées de cette démarche. Aucun ne peut s’y soustraire. La démarche scientifique procède par le doute raisonnable. Le doute dit raisonnable doit dépendre de nombreuses vérifications qui pouvant être remises à chaque instant par de nouvelles connaissances.
Ainsi, toutes les lois de l’univers peuvent être ramenées à une succession d’un grand nombre de lois « simples ». Cette conviction des scientifiques de pouvoir toujours ramener l’univers à une série limitée de lois simples a toujours été, jusqu’à présent, vérifiée. Dans la pratique, ramener toutes les lois de l’univers à une succession de lois simples facilite leurs vérifications. L’affirmation de l’existence de lois simples à la base de toutes les autres lois ne veut pas dire que l’univers, dans sa globalité, ne soit pas extrêmement complexe. La science ne fournit que des modèles et théories de la réalité. Elle n’a jamais affirmé que ces modèles sont « la vérité absolue ultime » ou qu’elle détient la Vérité avec un grand V. La science admet juste que les modèles découverts et lois simples déduites ne sont que l’approximation d’une réalité encore non connue dans sa totalité.
La démarche scientifique procède, par étapes, selon le cycle :
- Observation de nouveaux faits.
- Élaboration d’une nouvelle théorie intégrant ces nouveaux faits s’ils sont réellement nouveaux et inconnus.
- Vérification de cette nouvelle théorie par de nouvelles observations, si cette théorie prévoit de nouveaux résultats expérimentaux. Vérification expérimentale que ces résultats prévus existent bien et qu’ils correspondent exactement aux prédictions etc.
Toute nouvelle théorie doit être vérifiée minutieusement, jusque dans ses moindres aspects et détails.
Il faut regrouper les informations et les recouper avec différentes sources ou les soumettre à des contre-expériences tout particulièrement dans le cas de l’annonce de nouveaux résultats d’expérience. Cette rigueur peut permettre d’éliminer les contre-vérités, les erreurs et les impostures. Un principe clé de la méthodologie scientifique est que personne ne peut déclarer exacte une allégation, s’il ne peut la justifier par des preuves expérimentales ou des arguments théoriques. Toute information incomplète doit être complétée ou rejetée.
Un des principes de la démarche scientifique est connu sous le nom de « rasoir d’Ockham » ou « principe d’économie ». Il préconise de ne pas utiliser de nouvelles hypothèses tant que celles déjà énoncées suffisent. Guillaume d’Ockham (~1280-~1348), philosophe et théologien, fut excommunié pour ses doctrines tentant de démontrer que les fondements de la science devaient être tirés de l’expérience et que l’explication la plus simple devait toujours être préférée pour expliquer le monde et ses mécanismes.
En fait, le rasoir d’Ockham est un critère de vérité scientifique, une réfutation du principe épicurien de l’explicitation multiple. Chaque phénomène ne peut avoir qu’une explication et non plusieurs. Les explications approximatives doivent être éliminées, l’une après l’autre, pour n’en garder qu’une seule. Ce principe ou ce critère est souvent utilisé pour trancher entre toutes les théories utilisées pour expliquer le monde. Si, après les avoir toutes épuisées, on ne peut trouver d’explications connues, on part du principe que tout phénomène nouveau et inconnu peut être ramené à une succession d’explications simples et nouvelles. C’est ce qui fait dire à Sherlock Holmes s’adressant a Watson «Quand on a éliminé l’impossible, ce qui reste, aussi improbable que cela puisse paraître, est forcément la vérité ! ».
Dès 1537, René Descartes, dans la seconde partie de son « Discours de la Méthode », publiait les règles indispensables a sa méthode déductive :
« Au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée, je crus que j’aurais assez des quatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante résolution de ne pas manquer une seule fois à les observer.
Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c’est à dire, d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention ; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présentait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute.
Le second, de diviser chacune des difficultés que j’examinerais en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les mieux résoudre.
Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusqu’à la connaissance des plus composés ; et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent naturellement les uns les autres.
Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre.
Ces longues chaînes de raisons; toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m’avaient donné occasion de m’imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes s’entre-suivent en même façon, et que, pourvu seulement qu’on s’abstienne d’en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu’on garde toujours l’ordre qu’il faut pour les déduire les unes des autres, il n’y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne ni de si cachées qu’on ne découvre. Et je ne fus pas beaucoup en peine de chercher par lesquelles il était besoin de commencer : car je savais déjà que c’était par les plus simples et les plus aisées à connaître… ».
Pour Descartes, comme pour les philosophes grecs « chaque effet dépend d’une cause ». On peut et on doit douter de tout, mais on doit aussi avoir confiance en soi et savoir justifier sa pensée. C’est ainsi que le résume le Mérovingien dans Matrix ; « Il y a une seule et unique constante. Une seule règle d’or, une seule et unique vérité absolue, la causalité. Action ? – réaction. Cause ? – effet ! Le choix n’est rien qu’une illusion pour séparer ceux qui ont le pouvoir de ceux qui ne l’ont pas. La causalité ? Pas moyen d’y échapper ! Nous y sommes à jamais asservis. Notre seul espoir, notre seule paix consiste à le comprendre, à comprendre le pourquoi. Pourquoi. Voilà ce qui nous sépare d’eux ! Ce qui vous distingue de moi. Pourquoi est la seule vraie source de pouvoir, sans lui vous êtes paralysés »…
L’esprit critique est une application de la méthodologie scientifique. Nous pouvons avoir l’esprit faussé par un savoir limité, être inconscients de la véracité ou de la fausseté de nos affirmations sans qu’une seule fois le doute s’insinue dans notre esprit. Dans l’absolu, pour juger autrui ou véhiculer une information, il faudrait avoir une connaissance objective et universelle afin de tendre vers la « perfection du jugement ». Idéal souhaité mais constamment irréalisable dans la pratique.
Une analyse globale ou statistique se veut souvent concluante. Mais il faut toujours accorder toute son importance à l’exactitude d’un résultat et se montrer prudent dans son interprétation. Il faut aussi préciser le taux de confiance, plus ou moins bon, qu’on accorde à cette mesure ou à cette statistique. On indique souvent les fourchettes du résultat d’un sondage. Mais on ne précise pratiquement jamais que celles-ci sont connues avec un taux de confiance souvent inférieur à un certain taux (par exemple à 68%) encore appelé écart-type. Toute détermination par une méthode statistique portant sur un échantillon n’est qu’une estimation. Cela sous-entend que le résultat ne peut être donné qu’avec une « fourchette », un intervalle, et que la valeur cherchée appartient à cet intervalle avec un certaine probabilité. Cela signifie tout simplement que tout sondage est réalisé avec plus ou moins d’erreurs et donc un certain taux de confiance. Si un sondage est réalisé avec un taux de confiance de 50 à 60%, cela signifie qu’il est de mauvaise qualité et qu’il est très loin de satisfaire à toutes les conditions d’objectivité scientifique.
L’évidence des faits doit être vérifiée par plusieurs expériences répétitives et conformes entre elles. Les expériences négatives, c’est-à-dire s’écartant de l’ensemble des autres valeurs, doivent être notées et justifiées. Dans la presse spécialisée, on ne signale que les expériences scientifiques ou socio-économiques réussies, mais on devrait aussi signaler les échecs pour éviter que d’autres personnes fassent les mêmes erreurs. Il est à noter qu’une expérience en apparence négative peut infirmer des hypothèses hasardeuses mais confirmer d’autres faits ou hypothèses.
Il faut faire également attention à certains raisonnements par syllogisme (pouvant conduire à des conclusions abusives), tels « Les ennemis de mes ennemis sont amis » ou « les amis de mes amis sont mes amis » (ce qui peut être faux).
Sinon, dans le domaine scientifique, deux thèses contradictoires ne peuvent jamais coexister dans la pratique et aucune casuistique subtile ou diplomatie adroite et astucieuse ne peut les faire admettre comme possibles simultanément.
On peut aussi « déformer », inconsciemment ou non, le déroulement d’une expérience afin que ses résultats soient plausibles. Sous la pression des dangers quotidiens, les personnes simples ont tendance à voir ou croire ce qu’elles souhaitent ou redoutent, à entendre des voix et à avoir des visions, justifiant leurs espoirs ou craintes. Ce type de raisonnement procède des raisonnements irrationnels.
La quantité des informations n’est pas le garant de leurs qualités. Sinon, le fait qu’un grand nombre de gens croient à une information, n’est pas la preuve de la validité de celle-ci, comme dans le cas des croyances.
Ce n’est pas parce qu’un grand nombre de personnes admet une hypothèse ou une croyance que cette hypothèse ou cette croyance existe et/ou est vraie. Des millions de Grecs, d’Égyptiens, de Babyloniens ont cru, il y a 2500 à 2000 ans, à des religions, à des conceptions du monde belles, cohérentes et « achevées », alors que l’on sait maintenant que ces visions du cosmos étaient fausses. Ce n’est pas parce qu’on reçoit un grand nombre de rapports sur un supposé complot du gouvernement américain sur les OVNI que ce complot est réel.
Il existe une illusion de l’esprit très puissante chez beaucoup de personnes, c’est celle de croire détenir la vérité. La puissance de cette illusion est telle, surtout lorsqu’elle est associée à l’idée qu’on est génial, est de se croire persécuté chaque fois que l’on est critiqué. C’est ce que l’on nomme « le syndrome de la victime injustement persécutée ». Ces personnes se sentent d’autant plus persécutées qu’elles étaient persuadées de devenir célèbres et que, en général, la réfutation de leur doctrine a été brutale. Il est évident que toute nouvelle théorie doit être validée et que cela n’est possible que si les différentes hypothèses sont cohérentes et vérifiées. Il ne peut y avoir d’exception ou de passe-droit à cette règle déontologique et scientifique.
Un autre travers est de prendre la conclusion comme hypothèse pour démontrer la conclusion. L’esprit rentre dans un « cercle vicieux » intellectuel consistant, faute de preuves ou en utilisant des preuves douteuses, à admettre comme présupposé à notre démonstration ce qu’on entend justement prouver. Il intervient souvent dans les phénomènes religieux. Finalement, afin de pouvoir vérifier ou réfuter une information, il est nécessaire de connaître les différents facteurs qui peuvent intervenir pour la déformer ou pour la falsifier.
Afin de servir de référence pour un premier jugement devant un phénomène paranormal, ou tout autre phénomène inexplicable sur l’instant ou d’un discours, voici une liste d’effets qui sont couramment utilisés par les tenant du paranormal ;
– L’effet paillasson
C’est peut être l’un des plus importants dans le domaine qui nous intéresse ici. Cet effet consiste à désigner une chose ou un objet par un mot qui se rapporte à une autre chose ; il permet de tirer des implications sans commune mesure avec celles que l’on serait en droit de tirer. Cet effet est assez répandu dans la vie de tous les jours et c’est ce qui le rend si opérant. Un paillasson porte par exemple l’inscription « Essuyez vos pieds SVP ». Pourtant personne ne s’est jamais enlevé les chaussures et les chaussettes pour s’exécuter !
– L’effet impact
Il faut, lorsque les mots choisis semblent corrects, tenir compte du poids des mots, c’est-à-dire de leurs possibles connotations, de leur impact réel. Dans le domaine du « paranormal », la connotation des mots est très souvent utilisée, inconsciemment ou non, pour induire une idée quelque peu différente de celle qu’ils prétendent représenter. Ainsi lorsque l’on nous pose la question : « Que pensez-vous des OVNI ? », on entend presque automatiquement : « Pensez-vous que des êtres intelligents extra-terrestres visitent notre planète ? » Ce qui est une question au contenu beaucoup plus large que la première. Le mot « objet » possède une connotation très forte de quelque chose de bien « réel », de concret, de « palpable » et qui, de plus, possède une frontière bien définie. L’adjectif « volant » porte lui aussi, bien que moins fortement, une connotation qui induit dans l’esprit quelque chose qui peut se soutenir. Se mouvoir dans l’air par lui-même. On peut remarquer que le terme « identifié » porte lui aussi quelques connotations. On « identifie » un planeur, un avion à réaction ou un ballon-sonde, on « identifie » rarement quelque chose de moins « palpable » comme du gaz ionisé par exemple. Aurions-nous la même tendance à élargir la question initiale si elle était posée par exemple comme suit : « Que pensez-vous des PANE, Phénomènes Aériens Non Expliqués ? »
– L’effet puits
Plus un discours est profond, profond dans le sens de creux, plus les personnes qui l’écoutent peuvent se reconnaître et se reconnaître majoritairement dans ce discours. L’effet Puits est ainsi une des raisons du succès des horoscopes. « Vous faites parfois partie des forts » : cette phrase totalement creuse et, telle quelle, dénuée de tout sens, sera ainsi acceptée comme foncièrement vraie par toute personne à qui son horoscope la livrera car cette personne y ajoutera les circonstances qui, seules, en font une phrase ayant un sens.
– L’effet boule de neige
Untel déclare que Machin a dit que Chose avait appris chez Truc que… Le témoignage de énième main n’offre évidemment que très peu de valeur mais il permet la manifestation de l’« effet boule de neige ». Effet qui consiste en ce que chaque intermédiaire rajoute un élément de son cru à l’histoire de départ. C’est ainsi que certains auteurs peu scrupuleux n’ont pas hésité à déclarer que « tous les laboratoires » avaient pu vérifier les dons de télépathie d’un philodendron ou d’un citronnier !
– L’effet petits ruisseaux
L’effet « petits ruisseaux » consiste à développer des théories grandioses à partir de petits « oublis » ou petites « erreurs » qui sont absolument nécessaires pour la crédibilité des dites théories. Pour mettre en évidence cet effet, on peut se poser simplement la question : « Tous les paramètres sont-ils donnés et donnés correctement (unités utilisées, cohérence globale, valeur fonction du temps…) ? »
– L’effet cerceau
L’effet Cerceau est un cercle vicieux qui est assez répandu chez les tenants du « paranormal ». Il consiste, grave faute de logique, à admettre au départ ce que l’on entend prouver par la démonstration que l’on va faire. On peut prendre pour exemple toute expérience sur un « sujet psi », visant à faire prendre en compte le fait que le sujet ait échoué lors de tests destinés à déterminer si l’habileté ou la force nécessaires au trucage étaient présentes chez lui. Pour tout bon tordeur (de petites cuillères ou autres ustensiles) dont on veut démontrer l’honnêteté, on trouve des tests de ce type : a. on admet que M. X ne triche pas (cette « hypothèse » est très souvent sous-entendue !), b. le pauvre « sujet psi » n’a pas réussi à tordre par sa seule force physique les barres de métal qu’on lui présentait à cet effet, c. des barres, par contre, « se » sont tordues lorsqu’il s’est simplement concentré dessus, d. conclusion : ces barres n’ont donc pu être tordues que par son pouvoir « psi », e. re-conclusion : M. X n’est pas un tricheur !
– L’effet cigogne
L’effet Cigogne consiste très simplement à confondre corrélation et causalité. Imaginons qu’une enquête sérieuse montre que le nombre d’habitants de Strasbourg augmente proportionnellement au nombre de cigognes présentes. Les « parapsychologues » se seraient intéressés à ce fait étrange et après une enquête minutieuse portant sur des milliers de cas, la conclusion pourrait être : « Nous avons enfin la preuve scientifique que ce sont les cigognes qui apportent les nouveau-nés ! » Hors une corrélation n’est pas une causalité et le fait que le nombre de cigognes et le nombre d’habitants soient corrélés vient peut-être tout simplement du fait que plus il y a d’habitants, plus il y a de maisons, plus il y a de cheminées, plus il peut donc y avoir de nids de cigognes… La corrélation, relation réciproque entre deux choses qui, dans le sens qui nous intéresse ici, peut être définie comme un indice statistique précisant le degré de liaison entre deux variables, ne doit pas être confondue avec la causalité qui est, bien sûr, le rapport qui unit la cause à son effet. Ainsi, les « influences astrales » qui ont induit en partie l’astrologie ou qui semblent la conforter peuvent reposer sur un effet Cigogne.
– L’effet schizo
C’est à celui qui affirme d’amener la preuve de la véracité de ses dires. Les tenants du « paranormal » oublient très souvent cette vérité si simple et appliquent le « principe » inverse. Certains vont même beaucoup plus loin et n’hésitent pas à nous faire la démonstration de ce que l’on peut nommer l’effet Schizo. « Pouvez-vous me prouver que cela n’existe pas ? » lance le parapsychologue à la face de son interlocuteur. Celui-ci, tout abasourdi par une telle question qui lui semble, à première vue, relever d’une impossibilité et d’une foncière incompréhension des règles d’intelligence, n’a pas le temps de reprendre ses esprits que le chevalier servant du « psi » enchaîne magnifiquement par un corollaire qui, pour lui, veut traduire une évidence : « Non, donc cela existe ! » La non-impossibilité de quelque chose présentée comme argument en faveur de l’existence de cette chose est un sophisme qui s’apparente au délire schizophrénique.
– L’effet 50 centimes
On peut se poser la question : « Qu’est-ce qui peut expliquer la continuation d’une activité dans un domaine donné en dépit des sévères déboires subis par les personnes qui y travaillent ? » La réponse la plus judicieuse, a été fournie par un psychologue britannique qui a fort bien montré que le ressort principal maintenant la recherche en parapsychologie est la tendance humaine à « en vouloir pour son argent », pour ses 50 centimes, lorsque l’on se rend compte que l’on s’est fourvoyé. Se fourvoyer à cause d’un « sort » cruel peut avoir, en effet, comme conséquence d’aboutir à une dépense d’efforts incroyable alors que l’on se trouve dans un cul-de-sac manifeste la seule manière de « rentabiliser » le temps passé et surtout de « garder la face » vis-à-vis des autres et vis-à-vis de soi-même consiste alors à dire : « Ce n’est pas possible, il doit y avoir quelque chose de vrai ! » Et continuer… Les moyens actuels de contrôle et la sophistication possible des expériences pour éviter toute fraude peuvent amener, comme cela a déjà été fait, à se poser des questions sur l’intégrité intellectuelle des « chercheurs » du domaine paranormal. Ce domaine est nettement caractérisé par le fait que, quelle que soit la somme d’efforts et d’expérimentations qui ait été entreprise, la « recherche » n’a pas avancé d’un seul iota.
– L’effet BOF ?
Les erreurs de raisonnement statistique ou de probabilité faussent de manière inconsciente le jugement que l’on peut porter sur tel ou tel événement. Cette méconnaissance est une des pierres de base de l’intérêt démesuré suscité aujourd’hui par l’astrologie et l’occulte. Il est un autre aspect « mathématique » intéressant ; c’est l’effet Bof ou encore, le principe de « raison insuffisante » ou principe d’indifférence qui peut s’énoncer comme suit : « Lorsque nous n’avons pas de bonnes raisons de supposer qu’une chose est vraie ou fausse, nous attribuons à chacune de ces possibilités la même probabilité. » Ce principe d’indifférence qui, lorsqu’il n’est pas appliqué correctement, aboutit à des contradictions logiques et des résultats absurdes a été utilisé très souvent dans des domaines aussi divers que les sciences, la morale, la philosophie et la « parapsychologie ».
Un exemple assez frappant de l’utilisation inconséquente de ce principe est ce que l’on peut appeler le paradoxe du cube inconnu. Un cube, dont la longueur d’arête est comprise entre 2 et 4 cm, est caché dans une boîte. La « meilleure » estimation de la longueur de cette arête semble « donc » être 3 cm. C’est la première manifestation de l’effet Bof ? Voyons un peu maintenant le même problème sous un autre angle en déclarant : un cube dont le volume est compris entre 2 puissance 3 = 8 cm3 et 4 puissance 3 = 64 cm3 est caché dans une boîte. Une deuxième manifestation de l’effet Bof ? basée sur le fait que nous n’avons aucune raison de penser que le volume de ce cube soit inférieur ou supérieur à 36 (c’est-à-dire 64 + 8 divisé par 2, la moyenne), nous conduit donc à déclarer que la « meilleure » estimation du volume de ce mystérieux cube caché est 36 cm3. En termes clairs, l’effet Bof ? nous offrira ainsi un cube de 3 cm d’arête et de… 36 cm3 de volume. Drôle de cube ! Voilà ce qu’il en coûte d’appliquer un principe lorsque les conditions ne le permettent pas.
– L’effet bipède
Le raisonnement à rebours est un des plus pervers par les nombreuses formes qu’il peut présenter, formes dont certaines sont assez difficilement identifiables en tant que telles. Écoutons par exemple ce savant qui est amené à la conclusion que son existence est indéniablement d’origine « surnaturelle ». Cette découverte est « prouvée » par le fait que la combinaison précise de gènes l’ayant « fabriqué » ne peut être due au hasard seul qu’avec 1 chance contre 10 puissance 10 000 ; ce qui montre manifestement que cela a été planifié et Dieu est là pour le confirmer. Ce que cette personne vient de faire, c’est un raisonnement à rebours, c’est-à-dire de remonter de l’effet présumé à la cause évidente possible ; c’est en quelque sorte un raisonnement a posteriori. La probabilité que quelque chose se produise de la manière précise dont elle s’est produite est quasiment nulle avant la réalisation ; mais une fois qu’elle s’est produite, la probabilité qu’elle se soit produite est tout simplement… 100% !
Rappelons nous que raisonner d’une ferme conviction vers une cause possible constitue de la très mauvaise logique et peut conduire à des conclusions dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles ne sont pas très fondées. Retenons bien les dangers de l’effet Bipède et gardons-nous au maximum d’y succomber.
Le psychologue britannique Nicholas Humphrey a étudié cette quête obstinée du paranormal et du miraculeux. Des chercheurs héroïques, persévérants, explorent tous les éléments de preuve possibles, échangent des masses d’informations sur des cas documentés, mettent au point des techniques de plus en plus fines pour en découvrir la causalité surnaturelle. Le fait, regrettable, qu’aucune expérience ne démontre jamais les effets prévus – chaque fois que cela marche, il s’avère que les contrôles ont été insuffisants – ne tempère absolument pas leur enthousiasme. Ils perdent bataille après bataille mais espèrent toujours gagner la guerre.
La principale raison de cet optimisme débridé est une motivation très forte : les gens veulent absolument que tout cela soit vrai. Pourquoi ? Comme le souligne Humphrey, l’impact de la science sur les sociétés occidentales modernes y est sans doute pour beaucoup. Dans un contexte culturel marqué par les réussites de la vision scientifique du monde, qui a réfuté l’une après l’autre toutes les affirmations surnaturelles, il existerait une forte tendance à trouver au moins un domaine où la science serait mise en défaut. Longtemps, c’est le domaine du vivant qui a suscité de tels espoirs, puisque la science ne savait expliquer ni la différence entre vivant et non-vivant ni l’évolution d’organismes complexes. La vie devait donc être l’effet d’un élan vital, d’une énergie non physique. Mais la chimie organique, la théorie de l’évolution et la biologie moléculaire ont réduit ces espoirs à néant. Aujourd’hui, il ne resterait donc plus que l’âme et l’idée que les événements mentaux (les pensées, les souvenirs, les émotions et ainsi de suite) sont autre chose que des événements physiques se produisant dans le cerveau. D’où l’espoir de découvrir que la pensée contrevient aux lois de la physique ou agit directement sur la matière.
Mais comme le fait remarquer Humphrey, cette explication est insuffisante. La source de cette fascination ne peut pas simplement être que la pensée affecte la matière, parce que cela se produit, sans que cela soit pour autant surnaturel ni même surprenant. Quand vous souriez parce que vous êtes content, c’est un effet de la pensée sur la matière. Quand nous regardons des photos de victimes d’accidents de la route ou d’interventions chirurgicales, notre cœur bat un peu plus vite et la conductivité de notre épiderme change : encore des effets de la pensée sur la matière. Mais personne ne trouve cela palpitant. Ce qui explique l’attrait de la psychokinésie pour ceux qui y croient, ce n’est pas le fait qu’une intention produise un effet mais qu’elle produise précisément l’effet voulu. Nous avons l’intuition forte que nos pensées ne peuvent contrôler que notre propre corps. C’est en effet comme cela que nous apprenons à interagir avec les objets de notre environnement dans les premiers mois de notre vie, en attrapant, poussant, touchant, etc. C’est l’idée que mes intentions puissent contrôler non seulement ma main mais aussi la poignée de la porte avant que ma main ne la touche qui viole mes attentes intuitives.
La manière dont cette violation est représentée préserve la prédiction intuitive selon laquelle les effets de la pensée sur les objets matériels (notre corps, dans la situation habituelle) sont précisément les effets voulus.
C’est la violation de certaines prédictions intuitives et la préservation de tout un arrière-plan d’inférences qui, prises conjointement, expliquent pourquoi tous les concepts surnaturels ont un air de famille. Pour fabriquer un bon concept surnaturel, il faut décrire quelque chose qui appartienne à une catégorie ontologique. Mais il n’en existe pas énormément.
La liste ANIMAL, PERSONNE, ARTEFACT, OBJET NATUREL (rivière, montagne, etc.) et PLANTE est probablement exhaustive. Une fois la catégorie choisie, il faut spécifier la « mention spéciale » qui viole certaines prédictions intuitives de la catégorie tout en préservant l’arrière-plan d’inférences. Mais leur nombre est également limité : certaines violations sont des impasses cognitives; on peut les imaginer mais on ne peut pas produire beaucoup d’inférences à partir de la situation ainsi décrite. (Cette statue disparaît lorsqu’on pense à elle ? Et alors ?).
C’est pourquoi le Catalogue des schémas conceptuels surnaturels, qui épuise l’éventail des concepts culturellement établis, est assez mince. Les personnes peuvent être présentées comme ayant des propriétés physiques spéciales (comme les fantômes et les esprits), des propriétés biologiques spéciales (comme ces dieux qui ne vieillissent ni ne meurent jamais) ou des propriétés psychologiques spéciales (des facultés perceptives illimitées ou le don de prescience). Les animaux, les plantes et les objets naturels aussi peuvent avoir ces caractéristiques. Les artefacts peuvent être dotés de propriétés biologiques (les statues qui saignent) ou psychologiques (elles entendent les prières). On pourrait explorer tous les mythes du monde, tous les contes et légendes, toutes les histoires fantastiques et de science-fiction, tous les dessins animés et toutes les bandes dessinées, et on découvrirait que tous les concepts surnaturels qui y sont décrits, si invraisemblables qu’ils soient, correspondent à cette courte liste de schémas conceptuels sous-jacents.
Plus une allégation ou un phénomène sont extraordinaires, plus ils doivent être validés par un grand nombre d’expériences dont les résultats doivent être conformes aux taux d’erreurs statistiques habituels. Mais surtout, ces constatations doivent être concordantes entre elles.
Comme nous l’avons déjà dit, une hypothèse scientifique, même utopiste, bizarre, suspecte, peut, bien sûr, être étudiée (le monde scientifique n’est pas obtus) mais, dans tous les cas, elle doit et se doit toujours d’être vérifiée par des tests expérimentaux ou par des calculs rigoureux (conditions incontournables et obligatoires de son irréfutabilité. Les conditions ou le domaine de validité de la théorie doivent être précisées,et rajoutons que bien poser un problème permet de mieux le résoudre.
Le but de ce texte, nous l’espérons, a été de vous apporter un certain esprit critique et de faire en sorte que le doute, sur toute chose, doit toujours être présent dans votre esprit. Nous pouvons nous émerveiller devant les beautés et merveilles de la nature, tout en conservant sa raison et son esprit-critique. On peut s’extasier sur un coucher de soleil ou la naissance d’un oisillon, et malgré tout, rester prudent sur ce que l’on n’a pas observé ou pas encore prouvé. L’esprit critique ne tue pas nécessairement la poésie de la vie, le rêve, la fiction et le fantastique. Pour beaucoup vivre dans une croyance est souvent plus enthousiasmant que vivre dans la froide rigueur rationnelle. Mais on sait aussi qu’un beau rêve qui ne se base pas sur la réalité, peut conduire, comme le rêve d’Icare, à la chute brutale et douloureuse de ses illusions. Il n’est pas facile de trouver un « juste milieu » entre trop de scepticisme, en risquant de passer à côté de quelque chose d’intéressant, et l’absence de scepticisme, avec le risque de se faire abuser.
De nos jours nous remarquons que la science s’immisce dans tous les domaines de la société. Les sciences, les techniques, les mécanismes décrits par les domaines scientifiques, comme les sciences économiques et sociales, deviennent de plus en plus complexes et de moins en moins compréhensibles pour les « citoyens lambda ». Ces derniers sont souvent dépassées, s’ils n’ont pas acquis le niveau de connaissances requis. Que peuvent-ils faire alors ? Nous pensons, quand une personne n’a pas la compétence ou le niveau d’expertise, mieux vaut que celle-ci fasse confiance aux spécialistes qualifiées (par exemples, aux physiciens pour la théorie de la relativité, aux biologistes pour la bioéthique etc …). La difficulté restant de trouver le spécialiste compétent et honnête.
Nous devons tous nous souvenir que la science peut nous dire ce qui est empiriquement improbable mais pas ce qui est empiriquement impossible. La preuve en science est toujours une question de degré et est rarement, si ce n’est jamais, fait de conclusions absolues. Certains partisans de l’existence d’anomalies, tout comme certains critiques, semblent peu enclins à considérer la preuve en termes de probabilités, s’accrochant au moindre détail comme si le critique devait réfuter tout ce qui semble favorable à une revendication particulière. Les critiques comme les partisans ont besoin d’apprendre à se représenter le jugement scientifique comme quelque chose de similaire à celui donné dans les cours de justice, c’est-à-dire imparfait et avec divers degrés de preuves et d’indices. La vérité absolue, comme la justice absolue, est rarement accessible. Nous ne pouvons que faire de notre mieux pour nous en approcher.
Gardons a l’esprit cette pensée de Nietzsche ; « Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou ». Les deux extrêmes sont dangereux. Le doute perpétuel conduit à l’aporie platonicienne, au scepticisme et au pessimisme voir au cynisme. Quand aux certitudes elles sont bien sur des prisons écrivait Nietzsche. Il nous faut assister au crépuscule des idoles et tenter d’aller au delà de toutes ces pseudos vérités qui nous empêchent de faire face au monde avec le minimum d’objectivité d’un homme responsable. Le doute assumé, accepté positivement est l’essence de la sagesse scientifique et de la sagesse philosophique.