Libéralisme, humanisme… Incompatibilité ?
Libéralisme et humanisme, sont ils deux concepts incompatibles…
Cette incompatibilité implique-t-elle que ces deux termes sont radicalement opposés ou bien cela sous entend que le libéralisme ne peut pas s’intégrer dans l’humanisme ou vice versa ? Pour tenter d’apporter un éclairage a ce questionnement, essayons d’abord de définir chacun de ces concepts afin d’en dégager leurs principales tendances.
Le terme d’humanisme provient du latin humanitas, c’est-à-dire nature humaine ou culture, lui-même dérivé de homo, homme. L’humanisme est à la fois un mouvement intellectuel et culturel du XVIème siècle, caractérisé par l’étude des textes antiques et l’affirmation de leur supériorité et une conception philosophique qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus de tout. L’humanisme propose de renouer avec, la philosophie, la littérature et l’art de l’antiquité classique qu’il considère comme le fondement de la connaissance. Les humanistes de la Renaissance sont des érudits qui ont soif de savoir. Ils affirment leur foi dans l’être humain qu’ils mettent au centre de leurs préoccupations et dont ils recherchent l’épanouissement. L’humanisme propose de nouvelles valeurs fondées sur la raison et le libre-arbitre. Par extension, dans son sens moderne, l’humanisme désigne tout mouvement de pensée idéaliste et optimiste qui place l’homme au-dessus de tout, qui a pour objectif son épanouissement et qui a confiance dans sa capacité à évoluer de manière positive. L’homme doit se protéger de tout asservissement et de tout ce qui fait obstacle au développement de l’esprit. Il doit se construire indépendamment de toute référence surnaturelle.
L’humanisme est une vaste catégorie de philosophies portant sur l’éthique qui affirment la dignité et la valeur de tous les individus, fondée sur la capacité de déterminer le bien et le mal par le recours à des qualités humaines universelles-en particulier la rationalité. Il s’agit d’une composante d’une variété de systèmes philosophiques plus spécifiques et qui est intégrée dans plusieurs écoles de pensée religieuse. L’humanisme implique un engagement à la recherche de la vérité et de la moralité par l’intermédiaire des moyens humains en solidarité avec l’humanité. En mettant l’accent sur la capacité d’auto-détermination, l’humanisme rejette la validité des justifications transcendantes, comme une dépendance à l’égard de la croyance sans raison, du surnaturel, ou de textes prétendument d’origine divine. Les humanistes supportent une morale universelle fondée sur la communauté de la condition humaine, ce qui suggère que des solutions humaines aux problèmes sociaux et culturels ne doivent pas être égoïstes. L’humanisme moderne, issu des Lumières, s’exprime dans la nécessité de s’émanciper. Parler d’humanisme revient à savoir conserver une vision de l’homme, libre et autonome, sans l’enfermer dans son appartenance ethnique ou religieuse, ou le limiter à son inconscient ou d’en faire le produit de facteurs socio-économiques.
Ce produit de facteurs socio-économiques, voilà ce que certains voudraient voir dans le libéralisme. Et pourtant, le terme de « libéralisme » provient du latin « liberalis », généreux, noble, digne d’une personne libre. C’est un mouvement intellectuel né dans l’Europe des Lumières aux XVIIème et XVIIIème siècles, qui affirme les principes de liberté et de responsabilités individuelles. Il repose sur l’idée que chaque être humain possède des droits naturels sur lesquels aucun pouvoir ne peut empiéter. En conséquence, les libéraux veulent limiter, au profit du libre arbitre de chaque individu, les choix imposés à la société par l’État ou par d’autres formes de pouvoir, quels qu’en soient la forme et le mode de désignation. Le libéralisme est d’abord une morale individuelle, ensuite une philosophie de la vie en société dérivée de cette morale, enfin seulement, une doctrine économique qui se déduit logiquement de cette morale et de cette philosophie. Pour les libéraux et pour certains penseurs, la dichotomie entre « libéralisme économique » et « libéralisme politique » n’existe pas. Il n’y a qu’un seul libéralisme. Au sens large, le libéralisme prône une société fondée sur la liberté d’expression des individus, le respect du droit naturel et le libre échange des idées. Un droit naturel se distingue d’un droit positif en ce que son exercice ne suppose rien quant à l’action d’autres personnes et qu’il ne découle pas d’une définition législative. D’après Frédéric Bastiat ; « Personnalité, Liberté, Propriété […] sont antérieures et supérieures à toute législation humaine ».
L’éthique se retrouve dans la morale libérale qui peut se résumer par un seul précepte : Tu ne violeras pas les droits naturels d’un autre être humain. Elle laisse chacun libre de choisir ses propres fins, ses propres moyens et sa propre morale, dans la mesure où il n’empêche pas les autres d’en faire autant. Réciproquement, ces droits impliquent des obligations qui forment le noyau d’une morale personnelle. Ils impliquent l’interdiction de toute agression contre l’intégrité de la personne, du meurtre, du vol et de l’esclavage sous toutes leurs formes, et de toute forme de dictature. Ils commandent la tolérance à l’égard des idées, des croyances et des actes d’autrui. À part cela, le libéralisme ne prescrit aucun comportement particulier au niveau individuel. Il considère que la morale et les religions sont hors de son domaine et se borne à interdire l’usage de la contrainte en matière religieuse ou morale, comme dans toutes les autres matières. La responsabilité, inséparable de la liberté et de la propriété, dit que chaque individu doit supporter les conséquences de ses actions, bonnes ou mauvaises. C’est une condition de la liberté : « si autrui devenait responsable de nos actions, il devrait acquérir l’autorité pour nous imposer ses vues et donc restreindre notre liberté ». La notion de liberté est liée à celle d’égalité en droit : la liberté des autres implique de leur reconnaître les mêmes droits que ceux qu’on s’accorde. Pour les libéraux, tous les êtres humains doivent être traités comme des égaux quelles que soient leurs différences. Le libéralisme est la formulation des règles fondamentales de la civilisation moderne – liberté de conscience, de religion et d’expression d’un côté et, de l’autre, acceptation du commerce comme moyen de régulation, plutôt que la guerre et l’économie de commandement. Comme l’a souligné l’économiste péruvien Hernando de Soto, on a tort de nommer capitalistes les propriétaires des grosses entreprises qui vivent de protections étatiques, de privilèges et de subventions et qui devraient être appelés « nomenklaturistes ». Les vrais capitalistes sont tous ces pauvres qui luttent pour leur survie en développant des trésors d’imagination pour contourner les obstacles que les pouvoirs en place mettent sur leur chemin. Les victimes de la pensée unique collectiviste sont tous ces hommes et ces femmes exclus du marché du travail, ces petits artisans ou commerçants, ces entrepreneurs imaginatifs qui, bien souvent, n’ont plus que le choix entre la faillite ou l’exil. C’est à tous ces gens que le libéralisme veut redonner un espoir en leur permettant à nouveau d’être responsables, en leur rendant leur dignité. Cet espoir n’est pas vain si l’on veut bien se souvenir que le libéralisme a été à l’origine de cet évènement historique inouï qui a vu, à partir du XVIIIème siècle, des masses innombrables accéder à une vie décente et conquérir l’espoir d’une amélioration de leur sort. L’histoire nous enseigne que les périodes de croissance ont été les périodes à prépondérance libérale, dans les pays qui corrigeaient l’économie étatique par la liberté d’entreprendre et la liberté de commerce. Au XVIIème siècle, par exemple, de petits pays comme le Portugal et la Hollande, grâce au commerce maritime, deviennent de grandes puissances économiques. La Compagnie néerlandaise des Indes orientales, constituée par des actionnaires privés, est le type même des instruments économiques nouveaux que suscitent les échanges internationaux. La Hollande est sans doute à cette époque le pays d’Europe où le revenu moyen par habitant est le plus élevé. Car le social ne va pas sans le libéral, puisque l’économie libérale seule engendre la prospérité qui permet la redistribution des richesses. Au XXème siècle, les Etats-providence n’ont pu faire face à leurs dépenses que dans des pays capitalistes avancés. Non seulement, donc, il n’existe aucune incompatibilité entre un monde libéral et un monde social, mais le premier est même la condition du second. Le fondement de la pensée libérale est une théorie du droit selon laquelle chaque être humain est seul maître de lui-même et possède des droits fondamentaux et inaliénables qui découlent de sa simple existence et sont inhérents à la nature humaine, indépendamment des structures sociales dans lesquelles il est (ou n’est pas) inséré. Ces droits sont le droit à la liberté et le droit à la propriété. Du droit à la vie découlent le droit de légitime défense contre toute agression, le droit à la sûreté et le droit de résistance à l’oppression. La définition de la liberté individuelle la plus courante est celle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : «La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits.». Certains philosophes des Lumières lui préfèrent la définition suivante : «La liberté est l’autorisation de n’obéir à aucune autre loi extérieure que celles auxquelles j’ai pu donner mon assentiment». Je pourrais rapprocher cela de la devise « Fais ce que doit et advienne que pourra » qui est un concept beaucoup plus fort que celui de la Déclaration des droits de l’homme.
La liberté se traduit par le droit pour chacun d’agir comme il le décide afin de poursuivre ses objectifs propres par ses moyens propres, d’échanger, de s’associer et de contracter librement, de s’exprimer librement et de choisir librement ses sources d’information.
Alors non. Non, je ne pense pas que ces deux termes soient incompatibles entre eux et a mon humble avis, ils sont même intrinsèquement liés. Liés à tel point que la tradition libérale s’inscrit dans le courant humaniste. Ses auteurs adoptent une approche que l’on peut appeler subjectiviste, fondée sur l’idée même que les phénomènes humains sont concernés uniquement par les perceptions et les besoins des individus. A mon sens, ce qui définit une société libérale est la trilogie des droits naturels « liberté individuelle, propriété, responsabilité ». La société libérale se donne pour objectif de garantir l’égalité des chances et l’équité. Ces droits fondamentaux ont un caractère universel. Ils sont applicables à tous les êtres humains, à tout moment et en tout lieu, ce qui fonde l’égalité en droit chère a ces deux concepts que sont l’humanisme et le libéralisme.